Lundi 26 janvier 2009 à 22:10

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Petit hommage baudelairien (comme si je n'en accumulais déjà pas assez !).

Ce sont toujours les souvenirs les plus incongrus qui resurgissent dans les moments de pure quiétude, là où on les attend le moins. Je me ramentevois ici - installé mollement dans ce fauteuil à l'étoffe fleurdelysée, une bouteille d'absinthe et quelques cigares Montecristo à portée de main, dans la proximité douillette d'un feu de cheminée aux crépitement allègres - un plaisant spectacle auquel j'ai moi-même assisté ; je puis donc attester totalement de sa véracité, dans un monde où l'empire du mensonge et de la fausseté a amplement dépossédé la vérité de sa place pourtant légitime.

Un jour, que je flânochais dans les immensités irréelles de ma ville, un bon ami me contacta, m'invitant à le rejoindre à un estaminet, où nous pourrions conjointement boire quelques verres et fumer, tout en discutant des choses légères dont s'entretiennent toujours deux vieilles connaissances lorsqu'elles se rencontrent. Je décidai alors, pour le rejoindre plus promptement, d'emprunter une ligne de transports en commun, réceptacle par excellence de la tourbe errante et de toutes ses classes sociales. Prenant place sur un siège laissé vacant, je pus être témoin d'un spectacle tout à fait réjouissant. Une petite vieille, le visage décrépi par le joug du Temps et nippée d'une façon si surranée qu'elle en pouvait apparaître attendrissante, et à qui la fortune n'avait point daigné offrir une banquette telle que la mienne, revendiquait instamment une place assise à un jeune homme aux yeux d'une teinte crépusculaire, et vêtu quant à lui de manière élégante et quintessenciée. Ne constatant que trop bien son indifférence vis-à-vis de ses chancelantes arguties, l'entêtée cacochyme lui exposa, dans un soliloque pompeux et moralisateur, le respect immuable que devaient les jeunes gens aux vieilles personnes, et la sollicitude qu'il devaient témoigner envers leur faiblesse physique et leur triste condition. Daignant enfin fixer autre chose que le paysage citadin s'offrant à sa fenêtre, l'adolescent toisa l'ennuyeuse du regard, la prenant dans les rets glacials de ses prunelles enténébrées ; puis, après un long soupir de fatigue, il lui adressa ces quelques mots :

"Ma bonne dame, je me doute bien que vous n'êtes pas sans ignorer la myriade de principes et autres décrets qui s'appliquent à notre constitution, certains allant jusqu'à dater d'il y a plusieurs siècles. Or, ceux-ci stipulent justement que nous naissons tous libres et égaux en droits, dans un pays démocratique et partial. Je puis donc disposer tout autant que vous de ce siège sur lequel j'ai pris place ; et quand bien même vous insisteriez en exhibant tous les mérites qui vous seraient dûs, avez-vous rendu quelque service illustre à notre pays ? Vous êtes-vous démarquée du reste de la populace par quelque action singulière et resplendissante ? Fussiez-vous une héroïne ou une douairière, je vous aurais cédé ma place avec plaisir et respect ; mais une petite vieille geignarde et bougonne, oh ca non !"

Ayant tenu ce discours, l'éloquent jeune homme replongea dans ses méditations, et son regard se perdit à nouveau dans les horizons gris que révélait sa fenêtre. Marrie de s'être ainsi faite sermonner et ne détenant pas les capacités rhétoriques suffisantes pour tenir une réponse égale, la vieillarde égrotante s'éloigna, murmurant quelques imprécations connues uniquement d'elle-même ; lors d'un arrêt du véhicule, elle put enfin trouver un siège ou s'installer, mais cela ne provoqua aucune éclarcie dans la marée obscure et renfrognée dans laquelle elle se complaisait désormais. Brave créature, qui se préoccupe plus de l'appropriation de banquettes que des angoisses eschatologiques propres aux êtres humains !

Une fois descendu de l'autobus, je repensai à la rixe pacifique qui s'y était déroulée, et fus contraint de constater que je me trouvais bel et bien dans une aporie flagrante. Car si la vieille n'avait pas tort en ce qui concernait le point de vue de l'éthique, les considérations politiques et méritoires du damoiseau étaient quant à elles tout à fait justifiées et recevables...

Maudits soient les égoïstes et le régime Républicain !

Mardi 20 janvier 2009 à 19:36

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"Pensais-tu réellement que la poésie pouvait se limiter à une pratique innocente ? Imaginais-tu qu'une peinture pleinement mimétique des espaces floraux et montueux qui t'entouraient et une description faussement exaltée de tes passions grelottantes pouvait suffire à l'aboutissement de ce dessein ? Pauvre fou, ingénu et présomptueux ; ta veulerie et l'étroitesse de ton esprit rigoristique ne t'ont même point permis de saisir ne serait-ce qu'une infime parcelle de ce qu'est l'essence de ce divin sacrement. Penses-tu sincèrement qu'un poète peindrait avec niaiserie ces beautés écoeurantes et éparses qui l'entourent, en pigmentant ses oeuvres d'aspirations idylliques melliflues et insensées ? Légitimerait-il ces fallacieux portraits thuriféraires de femmes sans défaut saillant ? Tu n'es assurément qu'un profond crétin. La poésie n'est point une frivolité de puritain impubère qui s'émerveille et s'extasie devant toutes ces laideurs difformes ; elle est un cri païen, une clameur proférée d'une gorge sphacélée et ensanglantée. C'est un combat sans merci, un duel contre Dieu le créateur, une célébration blasphématoire où cracher sa bile à la gueule de l'adversaire est monnaie courante. Le poète n'aime pas la vie, la nature et ces vénustés pataudes qui surabondent honteusement ; il les hait, il les exècre, il les abhorre ! Il n'y voit que courbes grossières, que couleurs abominables, que tissus chancreux, que chairs pestilentielles en décomposition ; de néant, ces immondices s'en retourneront bienheureusement au néant, là où nulle conscience avertie n'aura plus à souffrir leur vue. Il est malade de l'existence. La vie est une rixe permanente, un prométhéen combat de gladiateurs où, devant toutes ces monstruosités émétiques, le mirmillion illuminé lutte pour ne pas chûter et vomir ses entrailles... Ignorant crédule, découpe donc ton crâne, déchiquette ton encephale larvaire et observe la substantifique moëlle qu'il recèle ; vois ces orbites encore inexplorés qui gravitent selon des révolutions impromptues ! Vois ces constellations enrubannées de ténèbres et ces présences ignorées qui errent, écoute ces crépitements thaumaturgiques qui retentissent dans l'ombre apaisante et qui s'évanouissent aussitôt dans un silence sourd ! La voilà, l'authentique poésie ! Le poète est un fuyard inconsolé, un apatride au coeur marmoréen qui dégorge la réalité et honnit cet extravagant idéal baignant dans une lumière grumeleuse et suintante. Son ultime consolation restera l'anéantissement pur et simple de cette nature détestable, érigeant un temple nouveau, éblouissant d'or et bâti sur des piliers d'airain ; et quand bien même il devrait continuer à sculpter le vulgaire et le grotesque, ce ne sera qu'en le vilipendant triomphalement, en granitant son oeuvre d'hypocrisie grinçante et d'accusations euphorisantes, et ce avec la plus grande prodigalité."


Hommage laborieux aux deux illustres herméneutes, sieurs Friedrich et Steiner.

Mercredi 7 janvier 2009 à 11:50

 

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Cela fait deux jours que la neige silencieuse s'est installée dans nos contrées et sclérose nos humaines occupations ; et avec tout cela, je suis bien étonné que la multitude étudiante babillarde et prétendument gauchiste n'ait toujours pas organisé de blocus drastique ou de manifestations plaintives pour remédier à ces maux.

"Olivier Besançenot (s'avançant, ensanglanté et ulcéré, au milieu d'une mare de flammes) : Les patrons, ce sont les méchants, quant aux travailleurs et aux chômeurs, ce sont les gentils ! Les gentils doivent terrasser les méchants et prendre leur place, pour que le pouvoir total ne revienne qu'aux gentils !

N.B. Gloriusus Eschec von Fesse : Mais oui, coco, c'est bien, ta loghorrée morbifique nous avance, va. (Se tournant vers son maître) Ô toi, mer du savoir, je ne pourrais m'adresser résolument à ce macaque jacteur sans que l'ire attise la muse de mes discours. Parle donc, toi, torche vigoureuse dont les apaisantes clartés tempèrent les transports des âmes à l'entour, exalte ta célèbre éloquence et tes avens de sagesse, enseigne-moi tes savoirs dûment acquis durant la longueur de ton séjour dans ces terres désolées, et illumine la voie funeste dans laquelle se fourvoie cet impudent !

Virgile : Bien des siècles avant votre ère piteuse nous vécûmes, glorieux peuple romain que chérissaient les dieux. A notre tête se trouvait un empereur, un conquérant, un bienfaiteur ; ce père tutélaire nous enveloppait de sa voûte exemplaire et guidait nos pas obscurs lors des heures les plus aveugles, car lui seul était en mesure d'assurer le salut de notre peuple. Des assemblées, toujours sous la férule du sang impérial, réunissaient l'élite de notre auguste nation, les plus érudits et les plus prévenants, et eux seuls, en accord avec notre empereur, décidaient de nos lois, de par leurs concertations avisées. Ainsi fit florès et rayonna notre illustre race, qui prospéra à travers les âges et s'étendit au-delà des terres de Dacie ; et son souvenir fut pérenne même après sa chute tragique. Mais il advint que les pierres léthargiques et les troncs séculaires assistèrent à de sinistres bouleversements. Car la plèbe grouillante et tapageuse, consciente - chose étonnante ! - de sa masse et avide d'obtenir ce pouvoir qui jusqu'à maintenant lui était légitimement prohibé, renversa son monarque et s'accapara du commandement de son Etat. Mais ce ne fut pas un vol aussi prestigieux que lorsque le titanesque Prométhée déroba le feu aux dieux pour l'offrir aux hommes, non ; ce vol fut bas, avilissant et empli de fatuité. Dès lors, le monde sombra dans un nébuleux chaos, car la pouillerie, les mains alourdies éhontément par la gaucherie et l'impéritie, ne pouvait user honorablement de tout ce royal pouvoir. "Odi profanum vulgus et arceo" ; Horace prophétique n'avait que trop raison. Alors naquirent les politiciens, hommes vaniteux et rodomonts qui cultivèrent la fielleuse démagogie pour gouverner ces miasmes de cloaque, qui perfidement les caressèrent dans le sens de leurs poils gras, en leur sussurant à l'oreille de doucereux mensonges ; ô dirigeants exécrable de la putride ochlocratie ! Et lorsque la bienheureuse et docte minorité, lassée de toutes ces turpitudes, daignera reprendre les rennes, ce seront des nations bien affaiblies et anémiques qu'elle aura à redresser.

N.B. Gloriusus Eschec von Fesse : La voilà tombée en miettes éparses, cette belle idylle aux ramures chryséléphantines ! Et voici que, non content d'avoir assez méphitisé l'originel pouvoir, cet hâbleur ubuesque exhorte la tourbe à étouffer les ultimes flammeroles qui endiguent encore ses passions démesurées et ses viles putasseries. L'échec furibond guette celui qui croit en ces utopies de salmigondis omnipotent. Mais, ô guide providentiel, quel est donc cet homme qui placidement s'approche de nous ?

Virgile : C'est là l'ambivalent Victor Hugo qui, ayant constaté l'insuccès de ses anciennes déclarations, désire retourner à ses premiers amours et se repentir à l'aide de deux vers laconiques anciennement composés.

Victor Hugo : Gloire à notre France éternelle
Gloire à ceux qui sont morts pour elle.
"

 

Dante, La Prolétaire Bouffonnerie, Enfer, Chant XIV.

 

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