Mercredi 17 décembre 2008 à 22:25

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Elle se dresse fière devant moi, cette armée fuligineuse aux pupilles de cendre ! Elle serpente et elle stridule, cette marée fangeuse qui ennuage la glèbe ; les volutes pulvérulants ne sont plus que de pâles chimères qui s'entortillent et étranglent les astres muets. Ils mugissent et s'esclaffent, ces lémures cruels et sardoniques, aux armoiries hideuses et au blason démonique. Fantômes erratiques, vous prenez de pervers délices à me détourner de ce phare glorieux que là-bas j'admire ! Des mondes nous séparent, et vous êtes pourtant si proches que je puis sentir votre acier hyalin et vos serres courroucées qui labourent ma gorge, mécaniques méphistophéliques concassantes ! L'engeance de Fenrir aux babines flottantes - mésséantes cataractes - gronde, prête à bondir, avides de sauvegarder ces monceaux de chair qu'elle considère comme siennes. Accaparement haïssable ; que maudits soient ces hymens obscènes ! Les épithalames discordants résonnent sous le brun crépuscule et viennent lézarder l'immortel tronc d'Yggdrasill, dagues artificielles façonnées par de cupides capripèdes dans les forges étouffantes. De laides Bacchantes aux gorges pendantes et aux lèvres tailladées prennent place sur des cimes pour participer à cette funeste cacophonie, allant fendre l'espace de leurs homélies incontrôlées.

La poussière se dissipe. Et je t'appelle, Amour ; tes blandices sont mon ambroisie. Je scande ton nom, toi qui - je le sais ! - m'observe de cette lointaine tourelle ! Je jalouse le bleu Tsukuyomi aux constellations opalines et les bises anciennes qui viennent de leurs doigts transclucides te caresser le visage et te murmurer d'antiques secrets ! Sont-elles donc toujours si distantes et invincibles, celles pour qui le coeur humain soupire ? Mais cet orbite inquisiteur qui domine ces terribles légions - tu serais son apanage ! - me lorgne et me foudroie dans des torrents d'orages.

Triste amant qu'inondent les clartés séléniques,
Soirées éternelles hantées par une même image ;
Je suis le balafré aux membres faméliques
Ayant ignoré les plus fatals présages !
Alors pointe la Nuit paresseuse et son suaire,
Hérault vespéral surgissant des ossuaires.
Te voilà, vorace inassouvi que j'abhorre,
Toi qui m'a dérobé ma reine, ma lyre, mon sang !
L'enivrante fragrance de ses assauts brûlants
S'exsudent toujours de la pâleur de mon corps.

Brandis vers les nuées, ces crocs d'airain rageurs,
Tout prêts à lacérer pour protéger leur proie.
Ils grondent et vrombissent, ces flots tapageurs,
Ouvrant une faille béante où repose une croix.
Et des ectoplasmes aux crinières vipérines
Y sèment des plants noirs aux profondes racines.
Je hurle et je chois de cet ardent déluge -
Gouffre vide où l'avalanche me précipite !
Labourant au passage ces rocs qui s'effritent
Nulle lueur, nul viatique, nul refuge.

Les nuages opaques resserrent les rangs et se reforment. Ô Cythère ! Reverrai-je tes dunes olympiennes - ô vertige ! - aux pinacles scintillants ? Foulerai-je de nouveau ce vaste sentier velouteux aux tréfonds fertiles ? Et ces deux abîmes jumelles monumentales, ces précipices hypnotiques au fond desquels crépite ce feu noir, Schéol vespéral, l'embrasserai-je une fois encore de mes prunelles désireuses ? Ici, emmuraillé dans les givres éternels de Pandémonium où Baal envoya mon âme contristée, ma barque aux fleurs de chanvre flotte sur le Léthé. Ô oubli, mon ultime salvation, me précipiteras-tu dans ces abysses nébuleuses aux poisons fatals ? Disparaîtront-elles du sérail de ma mémoire, ces effloraisons nouvelles qui jamais encore ne s'étaient ici étendues ? Le frisson brûle et fait convulser dans d'atroces spasmes : le songe est achevé, la déesse m'a été ravie. Paradis artificiels, c'est vers vous que désormais je me tourne.


Par sadnesshope le Jeudi 25 décembre 2008 à 21:26
Il fallait l'écrire
Par 2-MMC le Jeudi 16 novembre 2023 à 14:07
I appreciate you taking time to produce this article. Very careful analysis.
 

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