Lundi 26 janvier 2009 à 22:10

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Petit hommage baudelairien (comme si je n'en accumulais déjà pas assez !).

Ce sont toujours les souvenirs les plus incongrus qui resurgissent dans les moments de pure quiétude, là où on les attend le moins. Je me ramentevois ici - installé mollement dans ce fauteuil à l'étoffe fleurdelysée, une bouteille d'absinthe et quelques cigares Montecristo à portée de main, dans la proximité douillette d'un feu de cheminée aux crépitement allègres - un plaisant spectacle auquel j'ai moi-même assisté ; je puis donc attester totalement de sa véracité, dans un monde où l'empire du mensonge et de la fausseté a amplement dépossédé la vérité de sa place pourtant légitime.

Un jour, que je flânochais dans les immensités irréelles de ma ville, un bon ami me contacta, m'invitant à le rejoindre à un estaminet, où nous pourrions conjointement boire quelques verres et fumer, tout en discutant des choses légères dont s'entretiennent toujours deux vieilles connaissances lorsqu'elles se rencontrent. Je décidai alors, pour le rejoindre plus promptement, d'emprunter une ligne de transports en commun, réceptacle par excellence de la tourbe errante et de toutes ses classes sociales. Prenant place sur un siège laissé vacant, je pus être témoin d'un spectacle tout à fait réjouissant. Une petite vieille, le visage décrépi par le joug du Temps et nippée d'une façon si surranée qu'elle en pouvait apparaître attendrissante, et à qui la fortune n'avait point daigné offrir une banquette telle que la mienne, revendiquait instamment une place assise à un jeune homme aux yeux d'une teinte crépusculaire, et vêtu quant à lui de manière élégante et quintessenciée. Ne constatant que trop bien son indifférence vis-à-vis de ses chancelantes arguties, l'entêtée cacochyme lui exposa, dans un soliloque pompeux et moralisateur, le respect immuable que devaient les jeunes gens aux vieilles personnes, et la sollicitude qu'il devaient témoigner envers leur faiblesse physique et leur triste condition. Daignant enfin fixer autre chose que le paysage citadin s'offrant à sa fenêtre, l'adolescent toisa l'ennuyeuse du regard, la prenant dans les rets glacials de ses prunelles enténébrées ; puis, après un long soupir de fatigue, il lui adressa ces quelques mots :

"Ma bonne dame, je me doute bien que vous n'êtes pas sans ignorer la myriade de principes et autres décrets qui s'appliquent à notre constitution, certains allant jusqu'à dater d'il y a plusieurs siècles. Or, ceux-ci stipulent justement que nous naissons tous libres et égaux en droits, dans un pays démocratique et partial. Je puis donc disposer tout autant que vous de ce siège sur lequel j'ai pris place ; et quand bien même vous insisteriez en exhibant tous les mérites qui vous seraient dûs, avez-vous rendu quelque service illustre à notre pays ? Vous êtes-vous démarquée du reste de la populace par quelque action singulière et resplendissante ? Fussiez-vous une héroïne ou une douairière, je vous aurais cédé ma place avec plaisir et respect ; mais une petite vieille geignarde et bougonne, oh ca non !"

Ayant tenu ce discours, l'éloquent jeune homme replongea dans ses méditations, et son regard se perdit à nouveau dans les horizons gris que révélait sa fenêtre. Marrie de s'être ainsi faite sermonner et ne détenant pas les capacités rhétoriques suffisantes pour tenir une réponse égale, la vieillarde égrotante s'éloigna, murmurant quelques imprécations connues uniquement d'elle-même ; lors d'un arrêt du véhicule, elle put enfin trouver un siège ou s'installer, mais cela ne provoqua aucune éclarcie dans la marée obscure et renfrognée dans laquelle elle se complaisait désormais. Brave créature, qui se préoccupe plus de l'appropriation de banquettes que des angoisses eschatologiques propres aux êtres humains !

Une fois descendu de l'autobus, je repensai à la rixe pacifique qui s'y était déroulée, et fus contraint de constater que je me trouvais bel et bien dans une aporie flagrante. Car si la vieille n'avait pas tort en ce qui concernait le point de vue de l'éthique, les considérations politiques et méritoires du damoiseau étaient quant à elles tout à fait justifiées et recevables...

Maudits soient les égoïstes et le régime Républicain !

Mardi 20 janvier 2009 à 19:36

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"Pensais-tu réellement que la poésie pouvait se limiter à une pratique innocente ? Imaginais-tu qu'une peinture pleinement mimétique des espaces floraux et montueux qui t'entouraient et une description faussement exaltée de tes passions grelottantes pouvait suffire à l'aboutissement de ce dessein ? Pauvre fou, ingénu et présomptueux ; ta veulerie et l'étroitesse de ton esprit rigoristique ne t'ont même point permis de saisir ne serait-ce qu'une infime parcelle de ce qu'est l'essence de ce divin sacrement. Penses-tu sincèrement qu'un poète peindrait avec niaiserie ces beautés écoeurantes et éparses qui l'entourent, en pigmentant ses oeuvres d'aspirations idylliques melliflues et insensées ? Légitimerait-il ces fallacieux portraits thuriféraires de femmes sans défaut saillant ? Tu n'es assurément qu'un profond crétin. La poésie n'est point une frivolité de puritain impubère qui s'émerveille et s'extasie devant toutes ces laideurs difformes ; elle est un cri païen, une clameur proférée d'une gorge sphacélée et ensanglantée. C'est un combat sans merci, un duel contre Dieu le créateur, une célébration blasphématoire où cracher sa bile à la gueule de l'adversaire est monnaie courante. Le poète n'aime pas la vie, la nature et ces vénustés pataudes qui surabondent honteusement ; il les hait, il les exècre, il les abhorre ! Il n'y voit que courbes grossières, que couleurs abominables, que tissus chancreux, que chairs pestilentielles en décomposition ; de néant, ces immondices s'en retourneront bienheureusement au néant, là où nulle conscience avertie n'aura plus à souffrir leur vue. Il est malade de l'existence. La vie est une rixe permanente, un prométhéen combat de gladiateurs où, devant toutes ces monstruosités émétiques, le mirmillion illuminé lutte pour ne pas chûter et vomir ses entrailles... Ignorant crédule, découpe donc ton crâne, déchiquette ton encephale larvaire et observe la substantifique moëlle qu'il recèle ; vois ces orbites encore inexplorés qui gravitent selon des révolutions impromptues ! Vois ces constellations enrubannées de ténèbres et ces présences ignorées qui errent, écoute ces crépitements thaumaturgiques qui retentissent dans l'ombre apaisante et qui s'évanouissent aussitôt dans un silence sourd ! La voilà, l'authentique poésie ! Le poète est un fuyard inconsolé, un apatride au coeur marmoréen qui dégorge la réalité et honnit cet extravagant idéal baignant dans une lumière grumeleuse et suintante. Son ultime consolation restera l'anéantissement pur et simple de cette nature détestable, érigeant un temple nouveau, éblouissant d'or et bâti sur des piliers d'airain ; et quand bien même il devrait continuer à sculpter le vulgaire et le grotesque, ce ne sera qu'en le vilipendant triomphalement, en granitant son oeuvre d'hypocrisie grinçante et d'accusations euphorisantes, et ce avec la plus grande prodigalité."


Hommage laborieux aux deux illustres herméneutes, sieurs Friedrich et Steiner.

Mercredi 7 janvier 2009 à 11:50

 

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Cela fait deux jours que la neige silencieuse s'est installée dans nos contrées et sclérose nos humaines occupations ; et avec tout cela, je suis bien étonné que la multitude étudiante babillarde et prétendument gauchiste n'ait toujours pas organisé de blocus drastique ou de manifestations plaintives pour remédier à ces maux.

"Olivier Besançenot (s'avançant, ensanglanté et ulcéré, au milieu d'une mare de flammes) : Les patrons, ce sont les méchants, quant aux travailleurs et aux chômeurs, ce sont les gentils ! Les gentils doivent terrasser les méchants et prendre leur place, pour que le pouvoir total ne revienne qu'aux gentils !

N.B. Gloriusus Eschec von Fesse : Mais oui, coco, c'est bien, ta loghorrée morbifique nous avance, va. (Se tournant vers son maître) Ô toi, mer du savoir, je ne pourrais m'adresser résolument à ce macaque jacteur sans que l'ire attise la muse de mes discours. Parle donc, toi, torche vigoureuse dont les apaisantes clartés tempèrent les transports des âmes à l'entour, exalte ta célèbre éloquence et tes avens de sagesse, enseigne-moi tes savoirs dûment acquis durant la longueur de ton séjour dans ces terres désolées, et illumine la voie funeste dans laquelle se fourvoie cet impudent !

Virgile : Bien des siècles avant votre ère piteuse nous vécûmes, glorieux peuple romain que chérissaient les dieux. A notre tête se trouvait un empereur, un conquérant, un bienfaiteur ; ce père tutélaire nous enveloppait de sa voûte exemplaire et guidait nos pas obscurs lors des heures les plus aveugles, car lui seul était en mesure d'assurer le salut de notre peuple. Des assemblées, toujours sous la férule du sang impérial, réunissaient l'élite de notre auguste nation, les plus érudits et les plus prévenants, et eux seuls, en accord avec notre empereur, décidaient de nos lois, de par leurs concertations avisées. Ainsi fit florès et rayonna notre illustre race, qui prospéra à travers les âges et s'étendit au-delà des terres de Dacie ; et son souvenir fut pérenne même après sa chute tragique. Mais il advint que les pierres léthargiques et les troncs séculaires assistèrent à de sinistres bouleversements. Car la plèbe grouillante et tapageuse, consciente - chose étonnante ! - de sa masse et avide d'obtenir ce pouvoir qui jusqu'à maintenant lui était légitimement prohibé, renversa son monarque et s'accapara du commandement de son Etat. Mais ce ne fut pas un vol aussi prestigieux que lorsque le titanesque Prométhée déroba le feu aux dieux pour l'offrir aux hommes, non ; ce vol fut bas, avilissant et empli de fatuité. Dès lors, le monde sombra dans un nébuleux chaos, car la pouillerie, les mains alourdies éhontément par la gaucherie et l'impéritie, ne pouvait user honorablement de tout ce royal pouvoir. "Odi profanum vulgus et arceo" ; Horace prophétique n'avait que trop raison. Alors naquirent les politiciens, hommes vaniteux et rodomonts qui cultivèrent la fielleuse démagogie pour gouverner ces miasmes de cloaque, qui perfidement les caressèrent dans le sens de leurs poils gras, en leur sussurant à l'oreille de doucereux mensonges ; ô dirigeants exécrable de la putride ochlocratie ! Et lorsque la bienheureuse et docte minorité, lassée de toutes ces turpitudes, daignera reprendre les rennes, ce seront des nations bien affaiblies et anémiques qu'elle aura à redresser.

N.B. Gloriusus Eschec von Fesse : La voilà tombée en miettes éparses, cette belle idylle aux ramures chryséléphantines ! Et voici que, non content d'avoir assez méphitisé l'originel pouvoir, cet hâbleur ubuesque exhorte la tourbe à étouffer les ultimes flammeroles qui endiguent encore ses passions démesurées et ses viles putasseries. L'échec furibond guette celui qui croit en ces utopies de salmigondis omnipotent. Mais, ô guide providentiel, quel est donc cet homme qui placidement s'approche de nous ?

Virgile : C'est là l'ambivalent Victor Hugo qui, ayant constaté l'insuccès de ses anciennes déclarations, désire retourner à ses premiers amours et se repentir à l'aide de deux vers laconiques anciennement composés.

Victor Hugo : Gloire à notre France éternelle
Gloire à ceux qui sont morts pour elle.
"

 

Dante, La Prolétaire Bouffonnerie, Enfer, Chant XIV.

 

Dimanche 28 décembre 2008 à 19:28

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"- Monseigneur ! C'est une joie que de vous trouver ici ! Permettez que je me seye quelques instants à votre côté... cette chaise fera parfaitement l'affaire.

- Oui-da, très cher, prenez vos aises, il n'est pas coutume que l'on vous voit baguenauder dans de pareils endroits ! Mais qu'est ce que c'est que cette mine ? Vous êtes atroce à voir, vous dont le teint est habituellement si frais et l'oeil si preste ! Tenez, souffrez donc que je vous fasse mander une bouteille de vin, je peux bien me permettre de m'attarder un peu dans ces lieux.

- Je vous remercie sincérement de votre condescendance ; nombreux sont ceux qui aimeraient goûter de telles manières. Vous m'accompagnerez bien au grand opéra, après cette prompte escale ? On y joue actuellement du Pachelbel, ainsi que quelques oeuvres de Palestrina...

- Fort bien. Mais en patientant, contez-moi donc l'objet de votre affliction ! Je suis tout même bien curieux de savoir ce qui vous met dans de tels états. Allons, allons, prenez vos aises. Tenez, tendez-moi votre verre que je vous serve ; il n'est pas de la première qualité, mais c'est loin d'être une picrate ! Cela convient ? Bien, je vous laisse commencer.

- L'espèce affable à laquelle vous appartenez tend malheureusement à se péricliter, en ces fades périodes. Eh bien, voyez-vous, la nuit dernière, tandis que d'âpres ombres s'étendaient le long de mes murs en tremblotant à l'instar de rongeurs craintifs, je fis un songe bien étrange. Je me trouvais dans un lit - lequel, je l'ignore totalement - et à chacun de mes flancs reposait une femme. Il m'incombe de signaler que je les connais toutes deux - je vous épargnerai les présentations, cela ne vous serait d'aucun profit - et pour ne point mentir, j'éprouve une certaine dilection à leur égard. M. et M. Elles se tenaient là, dans la tiédeur de mes draps, rayonnant d'un même éclat divin et invulnérable, comme lorsque deux beautés sporadiques se rencontrent et, s'amalgamant, donnent plus d'intensité encore à leur splendeur originelle. Mon être tout entier, galvanisé par ces deux pôles, était comme déchiré dans une frénésie indomptable. Tantôt j'allais me blottir contre l'une, quémandant ses caresses et ses blandices, tantôt j'allais enlacer l'autre, brûlant de ce feu intérieur qui consumait jusqu'à la moëlle de mes os. Mon sang bouillonnait, mes organes crépitaient, c'était comme si des Titans affamés me faisaient cuire sur un fourneau monumental ! Mais ces deux beautés avec qui je partageais la couche solidarisaient un autre attribut commun : l'inaccessibilité. En effet, j'avais beau m'ingénier de toutes les sortes, me répandre en douces paroles et embrasser leurs corps de la manière la plus délicate et lascive imaginable, elles conservaient cette même attitude marmoréenne, cette même moue indolente figée sur leurs visages dont la tranquillité m'évoquaient - pour employer les termes des poètes antiques - les grandes plaines pélagiques, et repoussaient incessament mes assauts les plus aventureux, comme si un simple contact avec leurs chairs relevaient d'un honneur pontifical ou d'une bénédiction réservée aux semi-dieux ! Car il y avait un je-ne-sais-quoi de céleste qui enluminait ces deux corps, ce petit quelque chose de hiératique qui interdisait à une âme profane et obscène d'en goûter les délices ; une âme telle que la mienne. Puis elles finirent par se lever, quittant leur sanctuaire moelleux ainsi souillé, et disparurent sans m'informer du lieu auquel elles se rendaient. Je me réveillai peu après, et depuis, je n'ai eu cesse de penser à elles ; elles, déjà si intouchables dans cette haïssable réalité, et qui le deviennent également dans le royaume des songes !

 

- Voilà un rêve dont beaucoup de psychanalystes se feraient une délectation. Allons, mon brave, reprenez un peu d'ardeur et ne vous laissez pas démoraliser par ce qui ne fut qu'un songe ! Voyez donc tous ces jeunes gens qui, dans leur veulerie et leur lâcheté, abandonnent bêtement les difficultés du monde réel pour se réfugier dans leurs contrées oniriques et limpides ; assurément, lorsque leurs jambes seront pétrifiées dans ce cloaque féérique, le retour à la réalité risque de leur être fatal. Chacun dispose d'assez de forces pour affronter ce monde, il suffit de trouver en soi assez de courage. Quant à votre fringale, ne la laissez donc pas gangréner votre existence déjà bien fugace comme tous ces jeunes éphèbes inconscients, buveurs d'idylles et traqueurs de chimères, qui s'enamourent versatilement pour la première femme venue. Schopenhauer ne disait-il pas que le monde était représentation ? Ce n'est pas tant de leur être véritable dont on s'éprend que des représentations fantaisistes que l'on se fait d'elles, nous et nos aspirations romantiques si grossières et fallacieuses ! Et puis, nous savons tous, au fond, quelle réalité si plate et animale est masquée par ces désirs démesurés. Mais nous n'avons que trop traîné, votre représentation va bientôt débuter, et je ne voudrais en aucun cas vous retarder ! Ne jouera-t-on pas un concerto de Brahms, prochainement ? Si oui, je serais heureux que vous m'y fassiez don de votre compagnie, mon bon ami. Cela nous divertira..."

 

Mercredi 17 décembre 2008 à 22:25

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Elle se dresse fière devant moi, cette armée fuligineuse aux pupilles de cendre ! Elle serpente et elle stridule, cette marée fangeuse qui ennuage la glèbe ; les volutes pulvérulants ne sont plus que de pâles chimères qui s'entortillent et étranglent les astres muets. Ils mugissent et s'esclaffent, ces lémures cruels et sardoniques, aux armoiries hideuses et au blason démonique. Fantômes erratiques, vous prenez de pervers délices à me détourner de ce phare glorieux que là-bas j'admire ! Des mondes nous séparent, et vous êtes pourtant si proches que je puis sentir votre acier hyalin et vos serres courroucées qui labourent ma gorge, mécaniques méphistophéliques concassantes ! L'engeance de Fenrir aux babines flottantes - mésséantes cataractes - gronde, prête à bondir, avides de sauvegarder ces monceaux de chair qu'elle considère comme siennes. Accaparement haïssable ; que maudits soient ces hymens obscènes ! Les épithalames discordants résonnent sous le brun crépuscule et viennent lézarder l'immortel tronc d'Yggdrasill, dagues artificielles façonnées par de cupides capripèdes dans les forges étouffantes. De laides Bacchantes aux gorges pendantes et aux lèvres tailladées prennent place sur des cimes pour participer à cette funeste cacophonie, allant fendre l'espace de leurs homélies incontrôlées.

La poussière se dissipe. Et je t'appelle, Amour ; tes blandices sont mon ambroisie. Je scande ton nom, toi qui - je le sais ! - m'observe de cette lointaine tourelle ! Je jalouse le bleu Tsukuyomi aux constellations opalines et les bises anciennes qui viennent de leurs doigts transclucides te caresser le visage et te murmurer d'antiques secrets ! Sont-elles donc toujours si distantes et invincibles, celles pour qui le coeur humain soupire ? Mais cet orbite inquisiteur qui domine ces terribles légions - tu serais son apanage ! - me lorgne et me foudroie dans des torrents d'orages.

Triste amant qu'inondent les clartés séléniques,
Soirées éternelles hantées par une même image ;
Je suis le balafré aux membres faméliques
Ayant ignoré les plus fatals présages !
Alors pointe la Nuit paresseuse et son suaire,
Hérault vespéral surgissant des ossuaires.
Te voilà, vorace inassouvi que j'abhorre,
Toi qui m'a dérobé ma reine, ma lyre, mon sang !
L'enivrante fragrance de ses assauts brûlants
S'exsudent toujours de la pâleur de mon corps.

Brandis vers les nuées, ces crocs d'airain rageurs,
Tout prêts à lacérer pour protéger leur proie.
Ils grondent et vrombissent, ces flots tapageurs,
Ouvrant une faille béante où repose une croix.
Et des ectoplasmes aux crinières vipérines
Y sèment des plants noirs aux profondes racines.
Je hurle et je chois de cet ardent déluge -
Gouffre vide où l'avalanche me précipite !
Labourant au passage ces rocs qui s'effritent
Nulle lueur, nul viatique, nul refuge.

Les nuages opaques resserrent les rangs et se reforment. Ô Cythère ! Reverrai-je tes dunes olympiennes - ô vertige ! - aux pinacles scintillants ? Foulerai-je de nouveau ce vaste sentier velouteux aux tréfonds fertiles ? Et ces deux abîmes jumelles monumentales, ces précipices hypnotiques au fond desquels crépite ce feu noir, Schéol vespéral, l'embrasserai-je une fois encore de mes prunelles désireuses ? Ici, emmuraillé dans les givres éternels de Pandémonium où Baal envoya mon âme contristée, ma barque aux fleurs de chanvre flotte sur le Léthé. Ô oubli, mon ultime salvation, me précipiteras-tu dans ces abysses nébuleuses aux poisons fatals ? Disparaîtront-elles du sérail de ma mémoire, ces effloraisons nouvelles qui jamais encore ne s'étaient ici étendues ? Le frisson brûle et fait convulser dans d'atroces spasmes : le songe est achevé, la déesse m'a été ravie. Paradis artificiels, c'est vers vous que désormais je me tourne.


Samedi 13 décembre 2008 à 12:15

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Approche, voyageur ! Viens près de moi, et contemple cet effroyable tableau qui s'offre à nos prunelles ! Vois ces hommes, ces outres emplies de fiel et de mets avariés, se soutenant sur deux fragiles pilotis ! Vois leurs faux airs débonnaires, leurs yeux porçins, leurs bajoues pendantes, leurs membres grelottants et leur démarche pantelante ; te figures-tu limpidement leur physionomie ? N'ont-ils pas l'air attendrissants, sous leurs traits grossiers ? Ne te semble-t-il pas observer de patauds mastodontes qui, effarés dès l'instant où ils se retrouvent esseulés, procédent à d'immenses efforts pour rester agglutinés ? Cet amas grouillant, cet essaim perclus dans la bassesse et la lésine, lorgnant fiévreusement les nues, nous le nommons notre peuple, notre plèbe, et ils hantent notre patrie et nos contrées tels des larves aveugles à la peau visqueuse. Prends seulement le temps de les considérer, estimable voyageur, eux qui depuis longtemps ont perdu la tramontane ; ils ne sont que mangeurs voraces, qu'engloutisseurs forcenés, que dévoreurs sans âme et sans intelligence ! Ils s'engraissent, ces lourds pachydermes, ils tourbillonnent crânement autour d'un même point de gravitation - les offrandes gluantes et melliflues que leur tend sur un plateau de chair sanglante de prétendus prodiges - prêts à s'entre-déchirer pour remplir le vide béant de leurs estomacs. Ventres avides aux yeux bouffis, esprits tudesques, grasse friture fondant sur l'appât ; ils ne craignent rien pour parvenir à leurs fins, pas plus la flagornerie que la flêtrissure ! Ne perçois-tu point, pérégrin erratique qui m'est fidèle, une horde de chiens corniauds aux flancs émaciés qui, infestés par la vermine et la cupidité, se conglutinent autour d'une déjection magnétique, la humant quelques secondes simplement, puis la léchent de leur babines infâmes et l'avalent en exhalant de repoussants gargouillements ? J'ignore bien si les corps imparfaits et les esprits torpides que nous sommes sont bien à même de leur vouer une quelconque mésestime ; mais assurément, ces incubes sont bien peu dignes de louanges !

Et t'es-tu seulement attardé sur leurs femmes, nomade inconnu, ces Bacchantes hurlantes qui déchirent les flots laiteux ? Leur esprit servile, leur rage dissimulée, leur abomination constante pour l'excès ou l'édification, leur pruderie démesurée, tant de masques qu'elles arborent dans ce grand carnaval grotesque. Leurs seins sont de diaphanes reliques infernales qui n'ont jamais entr'aperçu les lueurs éternelles du jour. Terreur froide naissante devant ces ternes parures virginales aux si mornes atours. Elles s'offusquent, elles s'effarouchent lorsqu'une parole proférée ne respecte pas leurs douceureuses convenances, et écument d'une fureur glacée quand au bord de l'écueil parviennent leus vaines espérances. Laissons-les donc ramper, ces brunes salamandres cracheuses de givre, car à l'instar de ceux qui, ivres de pouvoir furent par les célicoles enfermés dans le Tartare, jamais elles ne pourront gravir ces pentes escarpées et franchir le seuil séculaire de leur triste prison sans luminaire.

Pars, voyageur. Ici ne te guettent que la déchéance, la turpitude et la mesquinerie. Pour mon cas il est déjà trop tard, et ces serpents m'ont mordu de leurs crochets fatals ; les lendemains sont sans espoir. Fuis, fuis vers ces lointains rivages où se déposent de délicats embruns, échappe-toi au fin fond de ce monde, là où nulle conscience humaine n'a jamais expiré le moindre souffle ! Ne t'égare pas dans de triviales rêveries, ne te figure aucun tableau d'élysée séditieux, mais fuis ! Pars avant la chute ! Fuis...

Samedi 13 décembre 2008 à 12:09

Innombrables sont les jours où, l'Ennui vous ayant recouvert de ses ailes livides, les visions et autres voluptés parsemant le macrocosme semblent d'un irréfragable fadeur. Dussiez-vous même vous tenir au sommet de la plus élevée des hauteurs infinies, embrassant tendrement de vos prunelles une mer céleste de nuages moelleux et immaculés surplombant les âpres pics, le voile vermeil de l'astre couchant enveloppant de ses ultimes rayonnements l'émeraude des vastes forêts impénétrables, avec même les violons d'une bise insaisissable vous sussurant de lancinantes mélopées à l'oreille, toujours cette tâche sombre demeurera entre vous et le monde ; c'est une bien morne et austère compagne que la Mélancolie.

Puis il arrive que parfois, rarement mais parfois tout de même, une âme apparait ; fugitive et éphémère, vous parvenez cependant à la perçevoir assez longuement et distinctement pour en tirer toute l'essence possible. Cette âme, bien souvent, revêt la forme d'une nymphette, jouissant encore avec fougue de toute l'ardeur de sa jeunesse. Attardons-nous quelques instants sur cette apparition tutélaire, à l'effet d'en saisir à poignées fébriles et maladroites les détais les plus remarquables. Il semblerait que son visage soit un lys fleurissant, encore timide et hésitant, mais en marge de révéler un coeur majestueux et fertile. Ses yeux brillent de cette sorte de clarté éternelle qui réside dans le regard de chacune de ces jeunes dryades qui peuplent nos terres, leur donnant un aspect enjoué et candide à la fois, prodiguant un certain apaisement à quiconque en croise la course. Quant à sa chevelure, elle n'est pas sans remémorer les antiques souvenances de ces cascades dorées qui se déversaient abondamment des illustres précipices d'un légendaire Eldorado. Cette nymphe avance encore à tâtons et laisse transparaître quelques bribes de maladresse hasardeuse, mais quoi de plus charmant que cette ingénuité virginale et frissonnante ? L'oisillon frivole voit bien des printemps découler avant de prendre son plein essor et de percer l'airain resplendissant de l'éther s'il est un farouche rapace ; ou au contraire, de traverser les lagons miroitants et cristallins dans un éclat de plumes d'argent s'il est un noble cygne.

Le processus d'envol d'une vestale est tout simplement analogue. Et il suffit juste au poëte hardi de se lancer dans une telle observation pour voir mûrir en lui une sorte de plénitude extatique, engendrée par un contentement désintéressé du spectacle lénifiant de ce petit rejeton de la Nature créatrice et nourricière. La pétulance de la jeune adolescence, la toute fraiche beauté d'une femme en devenir, frémissante encore, mais promise à un devenir radieux. Cette propédeutique, si ingrate mais si attendrissante dans le même temps, produit toujours une sensation ineffable ; de la fusion alchimique de ces deux paradoxes nait comme une volatile lueur d'espoir, une confiance sereine, un adoucissement des plus plaisants. Il arrive de sentir bouillonner, alors, comme un désir d'aller à l'encontre de cette manifestation sensible de la délicatesse de la Nature, de la héler, ne serait-ce que pour une seconde d'attention. Mais bien souvent, on ne le fait pas. Ce sont des hésitations telles que celle-ci que l'on regrette parfois durant toute une vie.

Puis l'apparition vient à disparaitre. Rarement on la revoit ; dans la plupart des cas, son départ s'avère définitif et catégorique. Alors les aléas du quotidiens reprennent le dessus, la froideur clinique et géométrique des villes réapparait, la pluie tambourine sur les pavés glacés et s'éparpille en mille petites particules semblables aux éclats transclucides d'un verre diaphane. Alors on s'accoude à la table d'un bar, esseulé. Alors on porte machinalement notre boisson à nos lèvres pour en savourer la moindre particule. Alors on se surprend à rêver, on se surprend à espérer que notre vie sera parsemée d'autres visions sacerdotales du même genre ; car l'admiration de ce jeune éclat si caractéristique produit spleen et apaisement ; et quand bien même le spleen tend à être amer, il n'en n'est pas moins ici doté d'une légère et subtile touche sucrée. La sensation est agréable...

Dimanche 30 novembre 2008 à 9:51

"Flamme superbe, la volonté visible. L'oeil de l'homme est ainsi fait qu'on y aperçoit sa vertu. Notre prunelle dit quelle quantité d'homme il y a en nous. Nous nous affirmons par la lumière qui est sous notre sourcil. Les petites consciences clignent de l'oeil, les grandes jettent des éclairs. Si rien ne brille sous la paupière, c'est que rien ne pense dans le cerveau, c'est que rien n'aime dans le coeur. Celui qui aime veut, et celui qui veut éclaire et éclate. La résolution met le feu au regard ; feu admirable qui se compose de la combustion des pensées timides. Les opiniâtres sont les sublimes. Qui n'est que brave n'a qu'un accès, qui n'est que vaillant n'a qu'un tempérament, qui n'est que courageux n'a qu'une vertu ; l'obstiné dans le vrai a la grandeur. Presque tout le secret des grand coeurs et dans ce mot : Perseverando. La persévérance est au courage ce que la roue est au levier ; c'est le renouvellement perpétuel du point d'appui. Que le but soit sur la terre ou au ciel, aller au but, tout est là ; dans le premier cas, on est Colomb, dans le second cas, on est Jésus. La croix est folle ; de là sa gloire. Ne pas laisser discuter sa conscience ni désarmer sa volonté, c'est ainsi qu'on obtient la souffrance et le triomphe. Dans l'ordre des faits moraux, tomber n'exclut point planer. De la chute sort l'ascension. Les médiocres se laissent déconseiller par l'obstacle spécieux ; les forts, non. Périr est leur peut-être, conquérir est leur certitude. Vous pouvez donner à Etienne toutes sortes de bonnes raisons pour qu'il ne se fasse pas lapider. Le dédain des objections raisonnables enfante cette sublime victoire vaincue qu'on nomme le martyr."
                                                                             Victor Hugo, Les Travailleurs de la Mer

Je me livre depuis quelque temps à une occupation offensive, analogue à celle que nous offre Baudelaire dans son "Joujou du pauvre". Il suffit de parcourir l'immensité de représente les blogs jusqu'à découvrir de rares perles. Certaines gens, en effet, persuadés d'être d'illustres littérateurs (et se réclamant même en tant que tels), vous déblatérerons parfois leurs longues envolées lyriques et leurs philosophèmes ô combien médités. Le tout pourrait paraître relativement honorable, si tout cela n'était pas flétri par trois fautes d'orthographe par ligne et par une dimension ontologique pratiquement inexistante. Somme toute, un beau verbiage qui, à défaut d'être heuristique, n'en reste pas moins plaisant à consulter.



Candlemass - Samarithan



 

Samedi 20 septembre 2008 à 19:42

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S'enivrer avec passion jusqu'aux frontières du dégoût ; telle est la plus haute aspiration actuelle à laquelle je consacre mon existence. Jouir de néfastes délices en ne se souciant ni du regard d'autrui, ni des conséquences que ces voluptés engendreront sur nous-même. Sentir ces puissantes exhalaisons se dégager d'un goulot de bouteille, inhaler ces vapeurs méphitiques qui s'échappent d'une extrémité de joint qui se consume lentement. Et aspirer tout cela, et ingurgiter tout cela ; faire de la moindre gorgée le plus auguste des plaisirs. La bouteille est la solution, tout est là, et vos entrailles n'attendent que de s'imprégner de ce liquide divin. L'Homme est condamné au malheur, dit-on, tant qu'il ne se délecte que de jouissances charnelles et matérielles, et de par ce fait vouées à l'extinction ; seule l'adoration de Dieu ou d'une entité immuable et éternelle similaire permettrait d'atteindre une plénitude sereine. Cela est vrai ; mais comment s'affranchir des plus naturelles de nos pulsions, des plus profonds de nos instincts ? Comment échapper à ces désirs farouches qui nous taraudent, à ces souvenances putrides qui refusent de s'oblitérer ?
 

Maudits soient-ils, ces bien-pensants hypocrites, ces tartufes défenseurs de la vertu, ces ascétiques ostentatoires, ces individus aux moeurs débiles qui veulent travestir notre réalité ! Que soient brûlés vifs ces éphèbes et ces vestales qui tentent d'effacer et de renier cette invincible parcelle de violence et de sauvagerie qui sommeille en chacun de nous, ce marais fétide et puant d'où naissent nos désirs les plus pervers et nos extravagances les plus folles ! Leur espérance, où est-elle ? Leur espérance, qui peut l'aperçevoir ? Mais je méprise leurs limites étriquées, leurs minuscules contours tracés par une religion trop chaste et par des principes puritains ! Je hais leur vision melliflue de l'existence. Que croivent-ils ? Qu'elle se borne à témoigner à n'importe quel connard de base des déclarations insipides de tendresse et de promesses qui ne seront jamais tenues ? Non, non et cent fois non, la vie ce n'est pas ca ! Ces imbéciles, je leur ferai partager mon attirance pour la folie ! Ils ignorent tout de l'insigne transcendance que peut procurer de déraisonnables doses d'alcool ingurgitées avec la plus brute des impétuosités. Cette sensation unique mêlant dégoût et jubilation, ces ailes d'airain qui nous poussent et nous portent à l'exquise sociabilité, cette ivresse incontrôlée exacerbant nos fantasmes les plus profonds et nos pensées les plus enfouies. Quoi de plus exquis que de boire jusqu'à l'excès ? Quoi de plus extatique que d'enchaîner les pilons et de sentir, à chaque latte consumée, tous ces neurones qui crépitent et explosent au sein de notre cervelle ? Quoi de plus édifiant que de se ployer à cette seconde nature qui, dans sa salvatrice libération, révèle tous nos vices et nos pulsions cachées ? Rien, assurément rien !! Je l'avoue, anciennement, ma plus haute aspiration, mon plus noble dessein était de trouver un amour, aussi simple soit-il. J'aurais voulu donner tout ce que je possédais et faire tout ce qui était en mon pouvoir pour cela. Les épreuves sentimentales permettent, dit-on, de devenir plus fort et d'appréhender avec une vigueur nouvelle les événements à venir. C'est à moitié vrai ; car le prix de cette longanimité neuve reste cette marque indélébile tracée au fer incandescent, au plus profond de nos entrailles. Cela fait un moment que cette pensée habite mon esprit, mais dorénavant, je peux le clamer sans aucun tremblement dans la voix et sans la moindre chimère voilant ma face : j'ai perdu la foi. Soit. Oh, j'avais tant à offrir, tant de dilection à éprouver, tant de délices à partager, cela tout le monde commence à être au courant. Mais nulle ne s'est présentée. Et il y a de ces expériences qui, une fois amassées et amalgamées dans notre mémoire, nous changent totalement, et ce à fort long terme. Tant pis, je garde tout pour moi ; au fond, j'ai toujours su que, de toute ma vie, mon plus grand amour serait moi-même. Il faut juste que j'évite de me comparer à tous ces grands penseurs et écrivains que j'admire et jalouse ; ce sont les seuls qui parviennent à faire pointer en moi une once d'envie. Et dire que même la littérature me laisse indifférent, ces temps-ci ; c'en est navrant, et j'espère fort que cela reviendra. Car il y a comme cette tâche d'ombre qui croûpit entre mes pupilles et les pages des livres... Ah, ces chiens bâtards, ces ignorants immaculés ! Jamais ils ne perçevront l'extase que nous prodigue la sainte décadence qui nous dévaste de l'intérieur. N'être plus qu'un spectre pâle, une ombre de celui que l'on incarne originellement ; voilà la plus illustre des jouissances. Et ca, personne, oh oui, personne ne pourra m'empêcher de l'atteindre aussi souvent qu'il me plaira. Je m'enivrerai, jusqu'à m'exploser le crâne, jusqu'à éructer mes entrailles contre le sol, jusqu'à sombrer dans un coma de plusieurs jours, mais bon Dieu, laissez-moi goûter à cet exutoire insane et temporaire qui me permet, le temps de quelques heures, d'oublier les affres et les tracas de mon morne quotidien. Et puis, comme l'a si bien énonçé notre très cher philosophe P en m'adressant la parole (complétement ravagé, lui aussi) : "Poilous, j'préfère te voir boire de l'alcool, fumer du schit et composer des chansons pour Soulmourne que de t'voir avec une nana !". Vivent les conversations entre vrais mecs qu'en ont une bonne paire et avec qui on peut discuter sans aucun tabou !
 

J'ai tenté de me faire passer pour un psychopathe schizophrène en manque cruel d'affection (et d'un certain point de vue, l'on pourrait aisément me considérer en tant que tel [au fait, j'ai rédigé une partie de cet article à moitié bourré, pour mieux coller avec l'ensemble, si vous parvenez à voir lequel, je vous tire mon chapeau]). Sur ce, je vais donc retourner à mes déboires désormais quotidiens, m'allonger sur mon lit en fixant le regard vers le plafond sans rien faire d'autre, puis bosser ma philo et ma litté avant d'adresser ma prière à mon professeur de lettres Saint Pascal Vallat (c'est lui qui nous l'a demandé). Oh, j'oubliais, demain c'est mon anniversaire, et il y a sérieusement intérêt à ce que je croûle sous un amas de SMS attentionnés, sinon je risque grièvement d'en tabasser certains ! Sur ce, bonne soirée ; enfin, si le coeur vous en dit.
 

Nachtmystium - Assassins. Même que le refrain est grave kiffant.
 

"We feel nothing

And are nothing

Traveling leaches

Rejecting weakness

We stand alone [...]"

 

Vendredi 29 août 2008 à 18:06

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Des âpres hauteurs il descendait, ermite esseulé au regard indomptable, le long des cimes vertigineuses, sommets écarlates sous la barque céleste du crépuscule. Il descendait, nocturne conquérant, Michel triomphateur de Satan descendu des cimes, sous l'ombre suffocante de ces Olympes abrupts, flèches immenses allant perçer les nuées - fleuves étheréens des grandeurs aériennes - jusqu'à atteindre les bois millénaires, où s'élèvent des pins grandioses aux épines aiguisées. Des cohortes de hiboux aux yeux d'or - miroirs ambrés où resplendissaient les richesses aztèques passées - guettant dans un pieux silence cet arrivant du zénith azurin, taciturnes sentinelles. Il traversa ces bois, enveloppé de l'ombrage du grand arbre céleste, aux rameaux bleutés et aux fruits stellaires, si mûrs qu'il rayonnaient d'un éclat argentin du haut de l'ineffable infini. Tempérant ses foulées, il fixa son regard vers le lac immobile, miroitant parfaitement le reflet de la lune pâle qui, allègre et silencieuse, folâtrait sur sa cristalline surface, aussi figée que le sourire d'un cadavre de fillette blême. Le vent se reposait dans un lit de cendres.

Taillée dans la roche gluante des falaises escarpées, il aperçut l'antique caverne, odieuse créature à la carapace invincible, au silence prostré et à la bouche béante, prête à engloutir l'audacieux passager dans les vides abîmes. Des profondeurs infinies de ses entrailles croupissantes s'exhalaient les effluves d'une étrange cacophonie, sombre baptême psalmodié par des anges impies condamnés à errer dans les ténèbres effroyables, spectres contristés !

Le héros hardi s'engouffra, laissant derrière lui cette terre où règnent les clartés éternelles d'Apollon, et descendit dans les limbes obscures, brun royaume des nuits les plus fétides. Y mûgissaient d'inquiétantes chauve-souris aux cris stridents, orgues des profondeurs entonnant un Ave Maria aux tonalités suraigües. Il descendait toujours, voyageur solitaire, englué dans les rets de l'infernale araignée qui, avec force, l'entrainait en son sein velu et démesuré ; il descendait, lueur salutaire, dans les viscères noirâtres de ce frémissant escalier. Mille ans ses pas résonnèrent, mille ans dura cette chute dans l'ombre vide, avant qu'il aboutisse dans l'écarlate chapelle. Un archidiacre atrabilaire, le voyant parvenir en ces lieux, pris place sur sa gigantesque estrade - oratoire sacerdotal de la folie ! - et d'une voix rauque et pélagique, il hurla - Haine ! - et souilla l'arrivant par d'horribles acrimonies, glaives ensanglantés rageusement lancées vers sa poitrine ; ce dernier résista, traits marmoréens et regard impavide. L'ecclésiastique dans un ardent transport lui cracha son sang et son courroux, long bras décharné dont les chairs pourries pendaient en lambeaux putréfiés. De sa main rutilante il lui enserra le coeur, astre palpitant, et de ses griffes déchirantes il pénétra en ses profondeurs, délogeant de son calice le vin de la misère. Essaim de vermine grouillante, insectes morts qui vrombissent ; délices décomposés, anathème du profanateur ! Ô finitude, à cette heure, ton requiem funeste retentit.

Coeur ulcéré, conscience défaite, il bondit dans l'escalier, lapin apeuré devant l'aigle redoutable, et entama l'ascension, chemin inverse qu'il avait déjà traversé. Une fois revenu en surface, il se pencha vers le lac immaculé, esprit dévasté, à la recherche de son identité. Le lac frissonnait, son reflet lui apparut indistinct ; le cadavre de la fillette, brisant la pierre de son tombeau, avait levé ses bras terreux vers le ciel et, vaste front d'argent irrité, poussa un cri de gorgone vers les astres effarés. Dans les champs alentour, une maigre moissonneuse à la robe déchirée labourait, dans un geste d'acier, la récolte des âmes ensemancées, ô coeur désertique et lunaire ! Les troncs entre eux murmuraient d'ancestraux secrets dont ils étaient les gardiens, bois vermoulus, impassibles témoins des temps passés. En cette minuit sous leurs yeux fixes naquit Bélial, idôle mésséante de Sodome consumée par les flammes. Aldébaran, scrutant le spectacle des hauteurs immuables, vit fleurir en ses yeux des larmes scintillantes, perles sidérales de roses, de lys et de résédas.
 

Wormphlegm - Epejumalat Monet Tesse Muinen Palveltin Lauran Ja Lesse (extrait, la track entière dure 30 minutes.)

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