Samedi 13 décembre 2008 à 12:09

Innombrables sont les jours où, l'Ennui vous ayant recouvert de ses ailes livides, les visions et autres voluptés parsemant le macrocosme semblent d'un irréfragable fadeur. Dussiez-vous même vous tenir au sommet de la plus élevée des hauteurs infinies, embrassant tendrement de vos prunelles une mer céleste de nuages moelleux et immaculés surplombant les âpres pics, le voile vermeil de l'astre couchant enveloppant de ses ultimes rayonnements l'émeraude des vastes forêts impénétrables, avec même les violons d'une bise insaisissable vous sussurant de lancinantes mélopées à l'oreille, toujours cette tâche sombre demeurera entre vous et le monde ; c'est une bien morne et austère compagne que la Mélancolie.

Puis il arrive que parfois, rarement mais parfois tout de même, une âme apparait ; fugitive et éphémère, vous parvenez cependant à la perçevoir assez longuement et distinctement pour en tirer toute l'essence possible. Cette âme, bien souvent, revêt la forme d'une nymphette, jouissant encore avec fougue de toute l'ardeur de sa jeunesse. Attardons-nous quelques instants sur cette apparition tutélaire, à l'effet d'en saisir à poignées fébriles et maladroites les détais les plus remarquables. Il semblerait que son visage soit un lys fleurissant, encore timide et hésitant, mais en marge de révéler un coeur majestueux et fertile. Ses yeux brillent de cette sorte de clarté éternelle qui réside dans le regard de chacune de ces jeunes dryades qui peuplent nos terres, leur donnant un aspect enjoué et candide à la fois, prodiguant un certain apaisement à quiconque en croise la course. Quant à sa chevelure, elle n'est pas sans remémorer les antiques souvenances de ces cascades dorées qui se déversaient abondamment des illustres précipices d'un légendaire Eldorado. Cette nymphe avance encore à tâtons et laisse transparaître quelques bribes de maladresse hasardeuse, mais quoi de plus charmant que cette ingénuité virginale et frissonnante ? L'oisillon frivole voit bien des printemps découler avant de prendre son plein essor et de percer l'airain resplendissant de l'éther s'il est un farouche rapace ; ou au contraire, de traverser les lagons miroitants et cristallins dans un éclat de plumes d'argent s'il est un noble cygne.

Le processus d'envol d'une vestale est tout simplement analogue. Et il suffit juste au poëte hardi de se lancer dans une telle observation pour voir mûrir en lui une sorte de plénitude extatique, engendrée par un contentement désintéressé du spectacle lénifiant de ce petit rejeton de la Nature créatrice et nourricière. La pétulance de la jeune adolescence, la toute fraiche beauté d'une femme en devenir, frémissante encore, mais promise à un devenir radieux. Cette propédeutique, si ingrate mais si attendrissante dans le même temps, produit toujours une sensation ineffable ; de la fusion alchimique de ces deux paradoxes nait comme une volatile lueur d'espoir, une confiance sereine, un adoucissement des plus plaisants. Il arrive de sentir bouillonner, alors, comme un désir d'aller à l'encontre de cette manifestation sensible de la délicatesse de la Nature, de la héler, ne serait-ce que pour une seconde d'attention. Mais bien souvent, on ne le fait pas. Ce sont des hésitations telles que celle-ci que l'on regrette parfois durant toute une vie.

Puis l'apparition vient à disparaitre. Rarement on la revoit ; dans la plupart des cas, son départ s'avère définitif et catégorique. Alors les aléas du quotidiens reprennent le dessus, la froideur clinique et géométrique des villes réapparait, la pluie tambourine sur les pavés glacés et s'éparpille en mille petites particules semblables aux éclats transclucides d'un verre diaphane. Alors on s'accoude à la table d'un bar, esseulé. Alors on porte machinalement notre boisson à nos lèvres pour en savourer la moindre particule. Alors on se surprend à rêver, on se surprend à espérer que notre vie sera parsemée d'autres visions sacerdotales du même genre ; car l'admiration de ce jeune éclat si caractéristique produit spleen et apaisement ; et quand bien même le spleen tend à être amer, il n'en n'est pas moins ici doté d'une légère et subtile touche sucrée. La sensation est agréable...

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